A son inauguration en mars 2018, l’IHU Méditerranée Infection de Didier Raoult n’avait pas obtenu d’Yves Lévy, alors patron de l’Inserm, le label qui lui aurait donné une reconnaissance indiscutable. Le professeur Raoult, chercheur brillant mais sans entregents, a donc dû batailler auprès du Gouvernement pour faire entendre la voix de son pôle de recherche qui figure pourtant parmi les plus prolifiques du pays.
Face au fléau planétaire, le gouvernement a donné son feu vert : « J’ai donné toutes les impulsions nécessaires pour que son étude puisse être expérimentée de façon indépendante ailleurs, à plus grande échelle, pour confirmer ou infirmer ses résultats », a expliqué samedi Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé.
Qu’est-ce que l’étude européenne Discovery ?
Cette étude est conduite dans une poignée de CHU (Paris, Lyon, Nantes, Lille) et progressivement étendue « à plusieurs dizaines de centres », notamment à l’hôpital Bichat, dans le nord de Paris. Les patients seront répartis en cinq groupes : un groupe placebo traité pour les symptômes uniquement, un pour tester l’efficacité d’un médicament anti-VIH (le Kaletra), un autre qui l’associera à de l’interféron bêta pour moduler la réponse immunitaire, un quatrième pour vérifier l’effet d’un antiviral développé contre le virus Ebola (le remdesivir).
A ces quatre études s’ajoute une étude sur la chloroquine où plusieurs centaines de patients seront intégrés « par vagues successives », en France mais aussi en Italie et en Espagne notamment. Les résultats pourraient être connus dans moins de six semaines.
Genèse d’une découverte et d’un centre de recherche en pointe
Alors que tout le pays est confiné, à Marseille, le professeur Didier Raoult, directeur de l’institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection, poursuit avec son équipe, son étude sur l’hydroxychloroquine. Mises en lumière ces dernières semaines grâce à deux études chinoises recommandant son utilisation, ces études font état d’une combinaison de médicaments susceptibles d’enrayer la maladie.
A Marseille, l’Institut Méditerranée Infection (IHU), centre de référence en France pour la prise en charge des maladies infectieuses dont le Covid-19, a décidé de commander un stock de chloroquine, dans l’optique de soigner d’éventuels futurs malades du coronavirus chinois.
Le constat du professeur Didier Raoult et de son équipe
A la tête de l’IHU, le professeur Didier Raoult vient d’annoncer, à la suite d’un essai clinique sur 24 patients, l’efficacité de la hydroxychloroquine contre le coronavirus, utilisée pour traiter ordinairement le paludisme mais aussi des inflammations comme la polyarthrite notamment.
Un médicament disponible et à faible coût
Après des tests sur les cultures de virus effectués par les scientifiques de l’Institut, des essais ont été réalisés sur des patients volontaires placés sous Plaquenil (marque qui commercialise l’hydroxychloroquine) sous le contrôle de l’ANSM (agence nationale du médicament et des produits de santé) Et, après six jours de traitement, le virus a disparu chez 75 % des patients testés.
Le professeur Didier Raoult et son équipe se réfèrent à une étude chinoise selon laquelle ce traitement réduirait à 4 jours le temps de portage du virus, contre 14 à 20 jours sans traitement. Ce délai de portage raccourci a bien sûr un impact sur le risque de contagion. De plus ce traitement peu coûteux est facile à produire et les effets secondaires, car ils existent, sont connus et maîtrisés selon les posologies adoptées, assure le professeur.
Qu’est-ce-que la chloroquine?
« C’est un très vieux médicament, un antipaludéen, probablement un des médicaments le plus utilisé avec l’aspirine dans l’Histoire de l’humanité. Il y a des milliards de gens qui ont pris ce médicament. Et il ne coûte que dix centimes le comprimé et est extrêmement sûr. C’est vraiment une bonne piste et une bonne nouvelle. »
De plus, une association est apparu prometteuse : l’hydroxyhloroquine et azythromycine, antibiotique connu pour ses effets antiviraux, ramène le taux d’infection à un taux presque nul. Les chercheurs sont parvenus à isoler 143 souches du virus. « Nous allons pouvoir séquencer les génomes pour corréler la sensibilité au traitement et l’évolution de la maladie ».
« Les scientifiques chinois sont des gens très sérieux et ils ont montré que la chloroquine marche. A l’IHU, nous allons mettre en place un protocole thérapeutique. Nous, ce qu’on veut, c’est soigner les malades. Il y a des gens qui arrivent avec une maladie grave, et on a montré que le seul traitement contre cette maladie, c’est la chloroquine. », poursuit le Professeur.
Les réserves
Le conseil national scientifique parle de résultats encourageants et de découverte importante qu’il convient néanmoins de vérifier par des protocoles avant d’administrer ce médicament aux patients.
Le gouvernement va dans le même sens. Le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran a déclaré : « J’ai pris connaissance des résultats et j’ai donné l’autorisation pour qu’un essai plus vaste par d’autres équipes puisse être commencé dans les plus brefs délais et par d’autres équipes sur un plus grand nombre de patients. Il est absolument fondamental d’asseoir toute décision de politique publique en santé sur des données scientifiques validées, et les processus de validation, on ne peut pas négocier avec », a-t-il souligné à propos de ces essais.
Les propositions de l’IHU et de l’équipe du professeur Raoult
Une étude sur l’association de l’azithromycine et de l’hydroxychloroquine
Le professeur Raoult insiste « Les gens qui avaient pris l’azithromycine plus hydroxychloroquine sont guéris au bout de 6 jours. Nous allons demander une autorisation pour réaliser une étude plus importante dans laquelle nous devrons éclaircir la question de cette association Il ajoute : « On se rend compte que les patients dits asymptomatiques ont aussi des lésions pulmonaires au scanner faible dose. On peut aussi se poser la question de savoir si on traite ces patients-là pour éviter qu’ils ne transmettent le virus. C’est la position que j’adopterais personnellement. »
Un dépistage systématique
Le postulat du professeur Raoult passe par le dépistage systématique car pour lui « tous ceux qui meurent, meurent avec le virus. Ne plus avoir le virus change le pronostic« . Il fait partie du conseil scientifique chargé de conseiller le gouvernement sur l’épidémie et s’interroge sur l’absence de recours systématique au test.
« Si quelqu’un est malade, est-ce qu’il fait ce qu’on lui dit, à savoir rester chez lui en attendant que cela passe, jusqu’à ce qu’il ait une détresse respiratoire ou bien est-ce qu’il se fait tester et traiter ? C’est une vraie question ». Avec l’exemple de la Corée du Sud qui a systématisé le diagnostic, il appelle de ses vœux à rattraper ce retard pour endiguer au plus vite l’épidémie. Il ajoute que le frein au test généralisé n’est pas technologique mais avant tout logistique.